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Поль Верлен

Paul Verlaine
1844-1896

Paul Verlaine

Romances sans paroles

Paysages Belges




"Conquestes du Roy"

Vieilles Estampes

Walcourt


Briques et tuiles
O les charmants
Petits asiles
Pour les amants!

Houblons et vignes,
Feuilles et fleurs,
Tentes insignes
Des francs buveurs!

Guinguettes claires,
Bieres, clameurs,
Servantes cheres
A tous fumeurs!

Gares prochaines,
Gais chemins grands...
Quelles aubaines,
Bons juifs-errants!

           Juillet 72.



Charleroi



Dans l'herbe noire
Les Kobolds vont.
Le vent profond
Pleure, on veut croire.

Quoi donc se sent?
L'avoine siffle.
Un buisson gifle
L'oeil au passant.

Plutot des bouges
Que des maisons.
Quels horizons
De forges rouges!

On sent donc quoi?
Des gares tonnent,
Les yeux s'etonnent,
Ou Charleroi?

Parfums sinistres!
Qu'est-ce que c'est?
Quoi bruissait
Comme des sistres?

Sites brutaux!
Oh! votre haleine,
Sueur humaine
Cris des metaux!

Dans l'herbe noire
Les Kobolds vont.
Le vent profond
Pleure, on veut croire.



Bruxelles

Simples Fresques

I


La fuite est verdatre et rose
Des collines et des rampes
Dans un demi-jour de lampes
Qui vient brouiller toute chose.

L'or, sur les humbles abimes
Tout doucement s'ensanglante.
Des petits arbres sans cimes
Ou quelque oiseau faible chante.

Triste a peine tant s'effacent
Ces apparences d'automne,
Toutes mes langueurs revassent,
Que berce l'air monotone.



II



L'allee est sans fin
Sous le ciel, divin
D'etre pale ainsi:
Sais-tu qu'on serait
Bien sous le secret
De ces arbres-ci?

Des messieurs bien mis,
Sans nul doute amis
Des Royers-Collards,
Vont vers le chateau:
J'estimerais beau
D'etre ces vieillards.

Le chateau, tout blanc
Avec, a son flanc,
Le soleil couche,
Les champs a l'entour:
Oh! que notre amour
N'est-il la niche!

        Estaminet du Jeune Renard, 
		                  aout 72.



Bruxelles


Chevaux dex bois

                          Par saint Gille,
                            Viens-nous-en,
                                 Mon agile
                                   Alezan!
                                   V. Hugo

Tournez, tournez, bons chevaux de bois,
Tournez cent tours, tournez mille tours,
Tournez souvent et tournez toujours
Tournez, tournez au son des hautbois.

Le gros soldat, la plus grosse bonne
Sont sur vos dos comme dans leur chambre,
Car en ce jour au bois de la Cambre
Les maitres sont tous deux en personne.

Tournez, tournez, chevaux de leur coeur,
Tandis qu'autour de tous vos tournois
Clignote l'oeil du filou sournois
Tournez au son du piston vainqueur.

C'est ravissant comme ca vous soule
D'aller ainsi dans ce cirque bete:
Bien dans le ventre et mal dans la tete,
Du mal en masse et du bien en foule.

Tournez, tournez sans qu'il soit besoin
D'user jamais de nuls eperons
Pour commander a vos galops ronds,
Tournez, tournez, sans espoir de foin

Et depechez, chevaux de leur ame:
Deja voici que la nuit qui tombe
Va reunir pigeon et colombe
Loin de la foire et loin de madame.

Tournez, tournez! le ciel en velours
D'astres en or se vet lentement.
Voici partir l'amante et l'amant.
Tournez au son joyeux des tambours!

            Champ de foire de Saint-Gilles, 
                                   aout 72.



Malines


Vers les pres le vent cherche noise
Aux girouettes, detail fin
Du chateau de quelque echevin,
Rouge de brique et bleu d'ardoise,
Vers les pres clairs, les pres sans fin...

Comme les arbres des feeries,
Des frenes, vagues frondaisons,
Echelonnent mille horizons
A ce Sahara de prairies,
Trefle, luzerne et blancs gazons.

Les wagons filent en silence
Parmi ces sites apaises.
Dormez, les vaches! Reposez,
Doux taureaux de la plaine immense,
Sous vos cieux a peine irises!

Le train glisse sans un murmure,
Chaque wagon est un salon
Ou l'on cause bas et d'ou l'on
Aime a loisir cette nature
Faite a souhait pour Fenelon.

                              Aout 72



Birds in the night


Vous n'avez pas eu toute patience:
Cela se comprend par malheur, de reste
Vous etes si jeune! Et l'insouciance,
C'est le lot amer de l'age celeste!

Vous n'avez pas eu toute la douceur.
Cela par malheur d'ailleurs se comprend;
Vous etes si jeune, o ma froide soeur,
Que votre coeur doit etre indifferent!

Aussi, me voici plein de pardons chastes,
Non, certes! joyeux, mais tres calme en somme
Bien que je deplore en ces mois nefastes
D'etre, grace a vous, le moins heureux homme.

Et vous voyez bien que j'avais raison
Quand je vous disais, dans mes moments noirs,
Que vos yeux, foyers de mes vieux espoirs,
Ne couvaient plus rien que la trahison.

Vous juriez alors que c'etait mensonge
Et votre regard qui mentait lui-meme
Flambait comme un feu mourant qu'on prolonge,
Et de votre voix vous disiez: "Je t'aime!"

Helas! on se prend toujours au desir
Qu'on a d'etre heureux malgre la saison...
Mais ce fut un jour plein d'amer plaisir
Quand je m'apercus que j'avais raison!

Aussi bien pourquoi me mettrais-je a geindre?
Vous ne m'aimiez pas, l'affaire est conclue,
Et, ne voulant pas qu'on ose me plaindre,
Je souffrirai d'une ame resolue.

Oui! je souffrirai, car je vous aimais!
Mais je souffrirai comme un bon soldat
Blesse qui s'en va dormir a jamais
Plein d'amour pour quelque pays ingrat.

Vous qui futes ma Belle, ma Cherie,
Encor que de vous vienne ma souffrance,
N'etes-vous donc pas toujours ma Patrie,
Aussi jeune, aussi folle que la France?

Or, je ne veux pas - le puis-je d'abord? - 
Plonger dans ceci mes regards mouilles.
Pourtant mon amour que vous croyez mort
A peut-etre enfin les yeux dessilles.

Mon amour qui n'est plus que souvenance,
Quoique sous vos coups il saigne et qu'il pleure
Encore et qu'il doive, a ce que je pense,
Souffrir longtemps jusqu'a ce qu'il en meure,

Peut-etre a raison de croire entrevoir
En vous un remords (qui n'est pas banal)
Et d'entendre dire, en son desespoir,
A votre memoire. "Ah! fi! que c'est mal!"

Je vous vois encor. J'entr'ouvris la porte.
Vous etiez au lit comme fatiguee.
Mais, o corps leger que l'amour emporte,
Vous bondites nue, eploree et gaie.

O quels baisers, quels enlacements fous!
J'en riais moi-meme a travers mes pleurs.
Certes, ces instants seront, entre tous
Mes plus tristes, mais aussi mes meilleurs.

Je ne veux revoir de votre sourire
Et de vos bons yeux en cette occurrence
Et de vous enfin, qu'il faudrait maudire,
Et du piege exquis, rien que l'apparence.

Je vous vois encore! En robe d'ete
Blanche et jaune avec des fleurs de rideaux.
Mais vous n'aviez plus l'humide gaite
Du plus delirant de tous nos tantots.

La petite epouse et la fille ainee
Etait reparue avec la toilette
Et c'etait deja notre destinee
Qui me regardait sous votre voilette.

Soyez pardonnee! Et c'est pour cela
Que je garde, helas! avec quelque orgueil,
En mon souvenir, qui vous cajola,
L'eclair de cote que coulait votre oeil.

Par instants je suis le Pauvre Navire
Qui court demate parmi la tempete
Et, ne voyant pas Notre-Dame luire,
Pour l'engouffrement en priant s'apprete.

Par instants je meurs la mort du Pecheur
Qui se sait damne s'il n'est confesse
Et, perdant l'espoir de nul confesseur,
Se tord dans l'Enfer, qu'il a devance.

O mais! par instants, j'ai l'extase rouge
Du premier chretien sous la dent rapace,
Qui rit a Jesus temoin, sans que bouge
Un poil de sa chair, un nerf de sa face!

                         Bruxelles. Londres, 
                      septembre - octobre 72




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